À l’occasion du 20e anniversaire de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale, à Paris, le 3 octobre 2025, le Collectif des Familles de Disparues en Algérie (CFDA) a organisé une conférence/débat intitulée : la charte pour la paix et la réconciliation nationale : 20 ans d’impunité, à l’Espace Mouzaïa, à Paris.

Adoptée en 2005, la Charte visait officiellement à tourner la page des violences de la « décennie noire » en Algérie, période marquée par de graves violations des droits humains, notamment des disparitions forcées. Mais pour les familles des victimes, ce processus de « réconciliation » a surtout scellé une impunité durable. En accordant l’amnistie à l’ensemble des responsables présumés, qu’ils soient agents de l’État ou membres de groupes armés, la Charte a fermé la voie à toute forme de justice ou de reconnaissance pour les proches de disparus.

La conférence, qui s’est tenue en présentiel et en ligne sur inscription, a permis de réunir chercheurs, juristes, psychologues et membres de familles de victimes autour d’un échange à la fois informatif et empreint d’émotion.

La soirée a été introduite et modérée par Nedjma Benaziza, membre du bureau du CFDA, qui a rappelé que « l’amnistie généralisée consacrée par la Charte empêche tout processus de vérité et de réparation ».

L’intervention de Maître Aïssa Rahmoune, avocat algérien et secrétaire général de la FIDH, a offert un éclairage comparatif entre les modèles sud-africain et algérien de réconciliation. Il a souligné que, contrairement à l’Afrique du Sud où la vérité a été un pilier du processus post-apartheid, l’Algérie a opté pour le silence institutionnalisé.

Africa Moreno, fondatrice du Labo des mémoires, a exploré les mécanismes juridiques des amnisties et les possibles stratégies de contournement, insistant sur la nécessité d’un travail de mémoire pour contrer l’oubli.

Un moment particulièrement fort a été le témoignage de Houria Sabri, vice-présidente du CFDA, elle-même issue d’une famille victime de disparition forcée. Elle a présenté la « charte alternative » portée par le collectif, qui propose une voie centrée sur la justice, la vérité et la reconnaissance.

Enfin, Linda Amroun, psychologue clinicienne et doctorante, a partagé une analyse poignante sur les effets psychiques des disparitions, en particulier sur les générations suivantes : « Le silence entretenu par l’impunité ne fait que renforcer le traumatisme. »

L’événement a rassemblé un public divers, composé de membres de la diaspora algérienne, d’anciens militants des droits humains, d’étudiants et de professionnels sensibles à ces enjeux. La conférence a ouvert un espace de réflexion et de solidarité, à contre-courant du discours officiel en Algérie. Pour le Collectif des Familles des Disparus en Algérie, cet événement  marque un moment important dans la poursuite de son combat : celui de rappeler que derrière chaque disparition, il y a une histoire, une famille, une douleur toujours vive.